Mémé Santilli  
 
"Tout est meilleur quand on partage"
 

Souvenirs de Marc

Ma première rencontre avec Mémé remonte à décembre 1982. Elle était venue au Grappillon (Ste Foy lès Lyon) – centre qui accueillait Patrick Gaveau – pour participer à la Célébration de Noël organisée par l’équipe de catéchèse. J’étais nouveau dans cette équipe aussi s’intéressa-t-elle tout particulièrement à moi. Je découvris rapidement de quelle trempe était cette robuste et énergique mamma. Je ne me doutais pas que cette rencontre ne serait pas éphémère !
Pourtant je ne répondis pas à son invitation, dans les jours qui suivirent. Ce n’était pas du tout ma priorité. Jusqu’à ce que deux mois plus tard une inspiration subite me fit aller en direction de la rue Sala. L’appartement était calme : la plupart des jeunes se trouvaient à l’extérieur. En écoutant Mémé je compris que ce n’était qu’un répit, aussi j’eus le sentiment qu’il se vivait là quelque chose de fort, de profond, et de très exigeant pour elle. Avant de la quitter je me devais de me rendre éventuellement disponible pour une aide. Sa réaction fut une question : « Êtes-vous libre le week-end prochain ? » C’est ainsi que, sans préparation, je me retrouvai seul avec huit jeunes pour mes ‘‘premières armes’’ au Charpenay.
Commença alors notre long compagnonage de plus d’un quart de siècle. Je devins l’un de ses nombreux ‘‘bras droits’’, me rendant souvent disponible auprès de ses protégés : présence et accompagnement individuel, animation de petits groupes ou de l’ensemble (catéchèse pour les volontaires, chant, jeux, sorties ...). Elle nous tenait toujours en haleine !
J’appris ainsi à bien connaître Mémé.
C’étais une femme de solide conviction. Sa foi de baptisée inspirait sa manière d’être, la rendait accueillante à tous, surtout aux ‘cabossés’ de notre société. elle considérait chaque personne comme envoyée par Dieu ; elle en devenait inévitablement le ‘‘bon Samaritain’’. On ne pourrait établir la liste de celles et de ceux pour qui la Casa était le seul refuge, cela dans la durée. Quelle force résidait en elle ! Comment parvenait-elle à tenir ? Au Père Guy Dubreuil, son confident, elle donne la clef de son dynamisme : « Je crois en la Résurrection ! ». Aussi va-t-elle puiser presque quotidiennement à la Source de l’Eucharistie. La proximité de la chapelle des Jésuites, des églises d’Ainay et de St François facilitera sa démarche. Elle entretiendra des liens avec beaucoup de prêtres, de religieux et de religieuses, afin d’éclairer et de nourrir sa foi. J’ai eu le privilège d’être de ceux-ci, à la fois émerveillé et provoqué par sa foi simple et profonde. Lors de mes visites à la Maison de Retraite je voyais ses yeux s’embuer de larmes lorsque je lui lisais et commentais un texte spirituel ou que nous chantions tel cantique qu’elle aimait. Je pense en particulier à ‘‘Trouver dans ma vie ta présence... ’’ que nous avions très souvent chanté, mimé et prié Rue Sala. Toute sa vie se redisait à travers celà ; elle en remerciait Dieu.
C’était une femme d’une étonnante sensibilité, mais qui ne se révélait pas spontanément par des paroles. Il fallait la voir agir et décrypter son regard et ses gestes. Mémé était viscéralement sensible à l’injustice, particulièrement celle qui conduisait à l’oppression, à la dégradation, au rejet des plus petits. Elle ressemblait alors à une lionne protégeant sa progéniture. Sa sensibilité lui réservait bien sûr  de grandes joies : chaque avancée contre l’injustice, les manifestations d’amitié, la bonté, la beauté. Je la revois lors de ma dernière visite à la Maison de Retraite tenant précieusement dans sa main trois feuilles magnifiquement embellies par les teintes d’automne. « Comme elles sont belles » répétait-elle ; sans doute évoquaient-elles des lieux, des personnes, des perceptions de jadis...
C’était une femme d’une imbattable générosité. Elle aurait pu s’enrichir, vivre dans le luxe et le confort. Elle ne s’agrippait pas sur ce qui lui appartenait, elle ne gardait rien pour elle, elle était prête à donner sans compter. Elle ne se méfiait pas : combien en ont profité et ont abusé d’elle, allant jusqu’à ‘‘se servir’’ quand ils en avaient l’occasion. Quelle fortune doit être la sienne, puisque Jésus a promis le centuple à ses disciples ?
Et lorsque ses forces l’ont trahie et que son esprit a commencé à s’assoupir, elle ne s’est pas recroquevillée sur elle-même. Je l’ai surprise égale à ce qu’elle avait toujours été, comme aimantée par la détresse des résidants à la Maison de Retraite. Elle se rapprochait d’eux, leur caressait la main, leur offrait son sourire et une parole de réconfort. Toute sa vie, tous ses engagements, toute sa foi trouvaient là leur accomplissement.
Comme je l’écrivais à sa fille Marie, et par elle à totue sa famille, « ma prière est une immense action de grâces pour le précieux héritage que nous lègue Mémé : foi en l’homme, quel qu’il soit ; don de soi sans réserve ; espérance en Dieu et en la résurrection. »

Merci, Mémé et à Dieu !

Marc
(Marc Peyrard, frère des écoles chrétiennes)